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l'Art c'est Nous
22 mars 2024

Les Saint Sébastien nus, contemporains

Dans l’ancienne Grèce, la nudité traduit formellement l’idéal aristocratique du "kaloskagathos", celui qui est « beau et bon ». Elle exprime le caractère exceptionnel du personnage figuré, ce qui conduit à représenter ainsi les dieux, les héros et tous ceux qui, comme les guerriers et les athlètes, aspirent à cette héroïsation.

Le Berger Pâris, 1787, Jean-Baptiste Frédéric Desmarais

Dès 1754, La Font de Saint-Yenne, initiateur de la critique d’art en France, avait demandé aux peintres et aux sculpteurs de privilégier les héros vertueux, remplis d’abnégation, faisant fie du danger et ne reculant pas devant le sacrifice suprême, celui de leur vie. Ses écrits annonçaient un mouvement général qui devait aboutir à la promotion du corps masculin idéalisé comme vecteur de l’exemplum virtutis, thème incontournable de la peinture historique édifiante.

Auguste Rodin 1840/1917, L’Age d’airain, 1877/80

Lorsque au moyen-âge, St. Sébastien devient "protecteur de la peste" les peintres commencent à le dénudé, lui conservant le "périzonium", tissu entre le torse et les genoux comme celui du christ en croix. Progressivement, ce tissu va ce réduire jusqu'à ne plus être qu'une bande enveloppant le bassin, nouée sur le devant. Avec le 15em siècle et la Renaissance italienne, le périzonium sera diversement interprété dans une érotisation de la représentation du saint.

Les représentations du Saint nu, dépourvu de tout artifice pour cacher son sexe sont pratiquement inexistantes avant la fin du XIXém siècle. Toutefois, le premier "Nu" peut être attribué à Jan Van Scorel, pour une œuvre de 1542.

La figure musclée et nue de St. Sébastien est emprunté à la célèbre fresque de Michel-Ange "Le Jugement dernier" 1536/41 dans la Chapelle Sixtine du Vatican à Rome, modèle dont le sexe est d’ailleurs recouvert...

On attribue a Jan van Scorel,1495/1562, peintre néerlandais, l'introduction aux Pays-Bas de l'art de la Renaissance italienne. Vers 1522, Van Scorel se familiarise avec l'art et l'architecture de Rome lorsqu'il est nommé gardien des collections d'art papales par le pape néerlandais Adrien VI.

1543/ St.Sebastian par un disciple de Jan van Scorel.

S’il y eu quelque rare tentative, comme celle d’Annibale Carracci qui présente un St Sébastien Nu vers 1590/1600

Curieusement, c’est le christ qui est présenté nu dans des scènes de flagellation Comme ce La Flagellation du Christ Maître, L. Cz. - 1487 musée du Louvre.

Ou la Flagellation du Christ par Marx Reichlich peintre autrichien de 1506

.

Rien nous l'indique, mais il est probable que les supplices du Christ, et du centurion Sébastien, ont été exécutés sur eux, nus, comme ceux que l'on voit dans l'arriére plan, sans doute les sicaires, c’est-à-dire les juifs en révolte contre Rome qui ont été crucifié en même temps que le Christ. La nudité signifie aussi une dégradation devant un public, des agitateurs sociaux pour les uns et du militaire pour l'autre.

Cependant c’est au début du XXém que les peintres s’affranchissent de l’auréole religieuse pour peindre St. Sébastien, nu de face.

Un des fondateurs du Salon d'Automne, George Desvallières 1861/1950, peintre indépendant de toute école, défenseur des fauves, des cubistes, des arts décoratifs, mène à 53ans lors de la Première Guerre mondiale, son bataillon de chasseurs dans les Vosges. Et perd son fils Daniel, 20ans, au front d'Alsace Le 19 mars 1905 dans l’attaque du grand Reichackerkopf.

À son retour, Desvalliéres fait vœu de ne plus peindre que des sujets religieux et renouvelle l'Art religieux en créant les Ateliers d'Art Sacré. Les précédents tableaux de Desvalliéres présentent le saint dans des tonalités sombres ou froides pour exprimer le drame et la souffrance.

Mais, il en est tout autrement pour celui exposé au Musée des Beaux-Arts de Dijon.

Dans Cette huile sur bois, très moderne dans  cette tonalité de bleu, Desvalliéres, exprime plus la rédemption que le châtiment. S'il ne s'agit pas du rachat du genre humain par le sacrifice du Christ, il s'agit bien pour George Desvalliére de donner un espoir de vie éternelle en Dieu par le sacrifice de Sébastien. Et ici, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec le sacrifice de son fils Daniel, qui a 20ans a voulu défendre sa patrie.

Il faut aussi  remarquer cette flèche "dans l'air" comme en suspend d'atteinde le saint...Évocation d'une balle ? D'un obus ? qui emporta le jeune chasseur alpin de la 47é DI...

Peintre hongroise, fille d'un architecte de renom, Erzsébet Korb 1899/1925 fait ses études à l'Académie des beaux-arts de Budapest sous la direction d'István Réti et travaille ensuite dans les colonies d'artistes de Nagybánya et de Gödöllő.

Erzsébet Korb.1921

Malgré sa très courte vie, elle a laissé une œuvre importante qui vaut notamment par l’unité du style et de la pensée. Les tableaux de cette représentante éminente du néoclassicisme hongrois se caractérisent par leur atmosphère à la fois mélancolique et spirituelle, très empreinte de mysticisme.

En 1930, Alfred Courmes 1898/1993 s’installe à Paris rue Saint-Lazare, puis 4, rue des Écluses-Saint- Martin, ou il réalise son premier St. Sébastien, ce croquis daté de 1931, situé au café face à l’église.

Peu avant 1934, déjà le marin avec 2 flèches dans les fesses, en tricot blanc, fait face aux archers complétement nus avec des bâtons plutôt que des arcs.

 

1935, marque le début de la notoriété de Courmes. Le conservateur du Musée d’art moderne de New York acquiert à titre personnel le Saint- Sébastien à l’écluse. Et cette même année, il présente au Salon des Indépendants, ce Saint Sébastien qui devait être le volet gauche d’un triptyque pour un paravent resté inachevé.

1934, Alfred Courmes Autoportrait en tant que St.Sébastien, inspiré de l'Esclave Mourant pour le tombeau de Jules II de Michel-Ange

Courmes l'habille du costume marin conçu par Pedro Pruna en 1925 pour Les Matelots des Ballets russes de Boris Kochno. Il semble que ce soit Courmes lui-même qui a pris la pose s'amusant à déranger par sa nudité frontale les codes du saint, tout en exposant son anticléricalité à un public circonspect quand il n’est pas outré.

Le volet droit du tryptique devait être Saint Roch de Montpellier de 1935, repris en 1977,

Le pèlerin saint protecteur et guérisseur de la peste qui expose la plaie infligée par la peste. C'est grâce au chien qui lui apportait chaque jour un pain, qu'il a survécu dans sa réclusion.

La partie central devait être occupée par La Vierge, l’Enfant et Saint Joseph, mas le dessin ébauché en 1934 n'as pas eu de suite.Saint Joseph est présenté en bibendum et l'enfant jésus tient un "pouet" l'avertisseur des voitures anciennes. Une médaille de St. Joseph était souvent affiché dans les voitures, car c'est lui qui a protégé Marie alors qu'elle voyageait sur l'âne.

1934, Mine de plomb,3e élément du triptyque.

Triptyque du paravent inachevé.

Dans une autre représentation de la sainte famille, un exemple typique du style Courmes. Cet Ex-voto à saint Sébastien de 1935,

Le tableau brocarde l’iconographie chrétienne traditionnelle en l'associant au St. Sébastien matelot. Et s'il est de dos, c'est une de ses facéties, défi comme celui des enfants qui baisse leur culotte. Au bas du tableau les rats de la peste défilent, Marie tient le pouet et Jésus est la copie du Bébé Cadum, auréolé et bénissant de sa main gauche.

Mais, son œuvre la plus inattendue est certainement le 45% B.A. de 1961 en tant qu'étiquette de boite de camembert.

Humour corrosif, dérision et truculence avec la fillette du chocolat Menier, représentant Irène qui s'appuie d'une main innocente sur le sexe du saint pour se hausser à retirer la flèche.

Et si le parapluie est bien là, le panier est rempli de flèches...Le tableau 45% B.A a été la propriété de Coluche...

Enfin, en 1938, Courmes reprend dans cette aquarelle, la Sainte Famille avec Sébastien attaché, attendant son martyre, et un Bibendum rieur qui ne cache pas son visage.

 

Glyn Warren Philpot 1884/1937, se démarque complétement des compositions académiques classiques de Saint Sébastien.

Sa chromie illumine la silhouette d'une lumière éthérée relevée d'ombre douce, tandis que la peau brille des riches tons jaunes d'un halo ambigu, sur fond de bleu pâle et de noirs des murs abstraits de l'atelier parisien de Philpot.

Le modèle qui pose en 1932 est son amant, sa muse, Karl Heinz-Müller, 18ans rencontré à Berlin en 1931. Immédiatement reconnaissable avec ses doigts amputés sur une main, visibles dans le tableau. Pas d'arbre, mais les bras liés aux biceps sur une barre métallique. Les deux flèches pénétrant la poitrine, émergeant des deux côtés de la toile, conduise l'œil de façon spectaculaire jusqu'au torse fin et glabre de la figure.

Figure qui se retrouve dans Fugue de 1932

L'adolescent qui prend la pose pour les 3 figures est ici l'Homme en rose de Glyn Philpot.1931

A cette époque Philpot était en couple avec le peintre Vivian Forbes 1891/1937

Quand Vivian décède subitement d'un accident vasculaire cérébral en décembre 1937, fou de chagrin, Forbes s'est suicidé le lendemain des funérailles.

Le tableau pour lequel Vivian pose en 1930 est resté à l'abri des regards dans l'atelier de Philpot, il n'a jamais été exposé ni montré à la famille du vivant de l'artiste.

Raymond Voinquel 1912/1994, affecté au service cinématographique de l'armée et ayant refusé de travailler pour Continental-Films contrôlés par les Allemands, est le portraitiste recherché du studio Harcourt pendant l'essentiel des années d'Occupation.

Raymond Voinquel. Autoportrait, 1938.

Fasciné par le corps masculin, loin des plateaux de tournages qu'il a fréquenté pour plus de 150 films, ce sont des éphèbes et des athlètes qui prêtent leurs corps à l'objectif de Voinquel. Son approche photographique se nourrie de peinture et de sculpture, utilisant la lumière pour révéler les muscles d'un corps, jouant avec les ombres, adoucissant le contour des formes.

Amoureux des arbres, il les photographie au cours de ses voyages, comme celui aux formes inquiétantes sous un ciel d'orage, branches nues et acérées comme autant de flèches reçues, celles destinées à son St. Sébastien de 1946 paraissent bien insignifiantes pour pénétrer ce bois sans âge.

Attaché à lui, le jeune homme, au début de sa vie, semble insensible au froid de cet automne qui annonce la fin inéluctable à laquelle il est promis. Avec une économie de moyen, Raymond Voinquel exprime tout le sens du drame et s'il le montre nu, c'est pour signifier que le châtiment lui retire sa dignité. Sur le cliché, on voit nettement un sexe, pourtant le modèle porte bien un cache-sexe.

Il n'est pas impossible que ce modèle soit Jacques Sernas 1925/2015 un jeune figurant rencontré en 1946 sur le plateau du film Miroir, avec Jean Gabin de Raymond Lamy.

Jacques Sernas, ici en 1947, jeune homme blond, athlétique et élégant, est exactement le genre de héros dont l'Europe déchirée par la guerre a besoin et pour lequel Raymond fera de lui plusieurs photos indispensables au futur acteur pour constituer son "book"

Pour les artistes peintres ou sculpteur, réaliser un St Sébastien est un passage obligé et Keith Vaughan, 1912/1977 n'esquive pas l'exercice, s'inscrivant dans le cercle néoromantique de l'immédiate après-guerre.

Cependant, Vaughan développe rapidement une manière particulière d'être, l'entrainant à avoir un type de réaction, et de comportement qui, lui étant propre l'éloigne des néoromantiques. C'est ainsi qu'il se concentre sur des études de figures masculines qui deviennent de plus en plus abstraites.

Pour son St Sébastien, il choisit en 1950 de le montrer de dos avec des archers qui ne lui sont pas directement associés. Une séparation verticale permettrai de les séparer du sujet principal les rendant indépendant l'un l'autre. Cette curieuse architecture de l'œuvre qui n'a pas d'équivalent pourrait correspondre au mal-être de Vaughan.

Homosexuel troublé par sa sexualité, largement connu à travers ces journaux, un cancer diagnostiqué en 1975 le conduit au suicide en 1977 à Londres, enregistrant ses derniers instants dans son journal alors que la surdose de drogue faisait effet.

L’art qui marque particulièrement l'œuvre de Jean Martin 1911/1996, Peintre Lyonnais autodidacte est celui des peintres allemands du XVIe siècle. La puissance expressionniste et la minutie de Cranac’h et de Matthias Grünewald se rencontrent avec son amour furieux et précis de la réalité. La peinture de Jean Martin renvoie également à l’expressionnisme flamand du groupe de Laethem-Saint-Martin, art nourri par le mysticisme et la primitivité de l’art du Moyen Âge tardif.
Le tableau très engagé de St. Sébastien de 1942, condamne les lois antisémites du règne de Vichy et encourage subtilement le réseau de « Résistance intérieure française » (RIF) que l’artiste soutient.

La bâtisse en bas à droite de la composition est celle du monastère des jésuites de Lyon, servant de point de départ au réseau. Saint Sébastien, militaire martyr, n'est pas que le prétexte de montrer une silhouette nue, allongée, athlétique, cambré à l'excès. C'est avant tout un St.Sébastien circoncis, figurant dans toute la franchise de cette nudité, la communauté juive sacrifiée.

En lui faisant surplomber Lyon, le soldat Sébastien, symbole de résistance aux lois de Dioclésiens, devient message de résistance adressé à tous les Lyonnais.

L'art de Jean Martin fils d'ouvrier modeste est très tôt un art engagé, accueillant  "le jeune Exilé,1938",

un déserteur de la Wehrmacht qui trouve refuge chez lui pendant le conflit, témoin de la participation active de l’artiste à la résistance.

Pour Le Crucifié de 1937, Martin associe la figure d’un séminariste espagnol assassiné au martyr universel du Christ.

Evocation du retable d’Issenheim montrant combien l’art de Grünewald résume, aux yeux de Jean Martin, toute l’inquiétude des années 30.

Tandis que Le noyé dans L'Inondation de 1937 reprend la tradition du Memento Mori comme le fait Picasso la même année dans son Guernica. Le paysage, réduit à des formes simples, en fait une scène intemporelle.

Trois peintures emblématiques des « années expressives » de l’artiste que l'on peut rencontrer ici à 22ans dans son autoportrait de 1933.

 

Artiste rare, Raymond Daussy 1919/2010 se forme à l’École des Beaux-Arts de Rouen, puis de Paris, exposant régulièrement à partir de 1941 au Salon d’Automne. En 1947, Daussy est l’un des Membres fondateur du groupe Surréalisme-révolutionnaire, qui se crée en opposition d’André Breton, exilé aux États-Unis pendant la guerre. L'œuvre de Daussy balance entre une attirance pour le réalisme et une véritable inclination pour la rêverie poétique.

Reprenant l'idée du St. Sébastien cible d'Alfred Courmes,

Daussy présente dans une architecture très parisienne, un sujet nu de dos, sans autre attribut pour identifier le saint que cette cible attachée étroitement.

Raymond Daussy a fait cet autre St. Sébastien toujours dans un environnement parisien, d'un jeune étudiat parisien en pantoufle...

Attaché a un platane, devant un des viaducs métallique du métro...Ici tous les codes sont présents, même l'archer qui s'éloigne à vélo...

Keith Haring s'est fait connaître dans les années 1980 à New York au sein de la scène artistique d'East Village aux côtés de Jean-Michel Basquiat, Kenny Scharf et Jenny Holzer. 
Apprenant qu'il est infecté par le virus du VIH, il s'engage très fortement dans la lutte contre cette maladie, et crée à cet effet la "Keith Haring Foundation14", en 1989. 
Cette même année, Jean-Michel Basquiat, autre peintre emblématique de la figuration libre, meurt d'une overdose à New York.
Un an plus tard, à 31 ans, Keith Haring meurt des complications dues à sa maladie.

Dans ce Saint Sébastien de 1984, on retrouve son écriture réinterprétant les éléments conventionnels que sont l'arbre, Sébastien attaché, l'auréole et les flèches. Mais loin de le montrer passif et résigné, il dépeint un homme qui se débat, nu, en érection, visage défiguré, tordu de souffrance, référence cubiste et probable à Picasso, Guernica, Avril/Juin 1937

Influencé dans ses débuts par " l'Art du Réel " Keith se plonge dans le réel de façon intégrale, voire fusionnelle, utilisant les objets du quotidien pour « être au monde ». C'est à cette aune qu'il faut voir les flèches devenues avions. Ces flèches modernes, sillonnant inlassablement le monde, le rendant plus étroit, encore plus à la merci des puissants. 5 avions, comme les 5 stigmates du Christ...

 L'aura, qui le couronne, soleil impuissant, apparait ici comme une volonté de vivre, de même que l'érection apparaît comme une injonction à la vie, envers et contre tout. Sous un ciel uni, sans nuages d'un bleu électrique, le corps déchiré, pris d'une transe, semble prémonitoire de sa maladie qui ne se déclare que plus tard.

Né à Rouen en 1971, Samuel Carujo Fava Rica commence dès le début des années 90 à recouvrir dans sa globalité l’intérieur de son appartement de ses peintures et sculptures.

Réalisé à 23ans ce St. Sébastien, intitulé "Le saint et la fléche", interpelle par ces yeux globuleux autant que par ce double sexe en érection, plus que son crane fendu et ses doigts de pieds coupés. Indices mystérieux faisant références à un catéchisme qui lui est propre, le gland du sexe vu comme un oeil.

L'oeil regarde, le sexe donne la vie, l'un a besoin de l'autre pour s'émouvoir...

Titré "The Transformation of Saint Sebastian", ce grand tableau de 2001, donne l'occasion à Jack D. Cowan né en Floride en 1962, de se laisser aller à dépeindre ses nus favoris, musclés, bien membré, souvent en érection. Ce qu'il ne manque pas de faire ici, tout en donnant un caractère antique, de ruines gréco-romaines dans un paysage italianisant avec des archers symboliquement armés.

Le jeune et beau Sébastien dans une pose hiératique, exempt de souffrance, bien que percé de flèche, est attaché par les poignets, étranglé par cette corde incongrue, jamais vue dans l'iconographie du saint. L'auréole et le visage implorant, semblent dérisoire pour justifier cette scène de supplice comme étant celui subit par Sébastien vers l'an 303/311. Pour Cowan elle n'est qu'un prétexte a une débauche licencieuse.

Père d'origine Libanaise, mère Franco-Canadienne, Cynthia Karalla, née en 1970 refuse de dire son âge. Cette alchimiste, activiste et artiste expérimentale, d'abord architecte devenue photographe puis formée aux beaux-arts, de passage à Paris, conçoit dans un songe "Le Baby Grand Piano" l'un de ses six projets photographiques majeurs pour lequel elle photographie le pénis de 87 hommes noir et blanc pour la plupart homosexuel.

Les femmes qui ont abordé le thème de St Sébastien ne sont pas nombreuses, ici Cinthia Karalla nous propose une version sado-maso édulcorée.

Sébastien attaché a la tuyauterie d'un soubassement, blessé d'une unique flèche, mais reposant sur un drap de satin noir artistiquement arrangé.

Hélas, la marque du maillot de bain, dérange l'oeil, éloignant encore plus le modèle trop contemporain du saint qu'il est censé représenter.

Originaire des Pays-Bas, Marcel Joosen est un sculpteur passionné par le corps masculin, source d’inspiration inépuisable. 

Né à Breda dans le Braban en 1943, l’artiste a fait les Beaux-arts d’Eindhoven. Reconnu aujourd’hui par beaucoup comme le meilleur sculpteur de nu masculin des Pays-Bas, ses œuvres sont exposées dans de nombreuses galeries nationales.
La beauté physique de ses modèles; souvent d’origine africaine; et les formes idéales ne sont pas ses seuls critères, c’est surtout leur force et leur rayonnement qui l'interpelle. Ses bustes d’homme en bronze noir sur lesquels la lumière joue, sont à la fois réalistes et saisissants de vie.

Ce St.Sebastien de 2004, d'une rare intensité n'offre aucun des symboles du saint et même ce que l'on peut interpréter comme autant de flèches, ne le désignent pas comme tel. Par ailleurs, la position n'étant pas réellement couché, le corps tendu est la seule expression de souffrance dans une perspective qui interroge plus que toutes autres.

Notamment celles des peintres de la Renaissance qui ont cherché à exposer toutes les variations possibles d'un corps supplicié, attaché à l'arbre.

Joosen en s'affranchissant des liens et de l'arbre donne ici une preuve magistrale de la maitrise de son art.

Né en 1978 à Tarente, Roberto Ferri est profondément inspiré par l'art Baroque et les grands maîtres du Romantisme, de l'Académie, et du Symbolisme. Avec cette seule flèche pour identifier le saint, en 2007, Ferri suggère par le bras levé et ce tronc d'arbre sur lequel il s'appuie le martyr d'un homme mature.

Cependant, ce qui dépasse de son ventre n'est pas l'empennage, mais la pointe d'une flèche que l'archer a tiré dans son dos. Cela induit une notion qui n'existe pas dans l'illustation du saint, mais dans son histoire.

Tirer dans le dos symbolise un acte de trahison, celle de Sébastien vis-à-vis de son mentor qui l'avait nommé Centurion, c'est-à-dire commandant d'une centurie d'environ une centaine d'hommes est condamné à mourir par les flèches, parce qu'il soutient les soldats qui veulent embrasser la foi chrétienne.

 

Artiste influencée par l'époque Médiéval et la Renaissance, Joanna Chrobak née en 1968 à Poznan en Pologne, développe une peinture surréaliste faisant voyager à travers des lieux oniriques dans lesquels le mysticisme joue un rôle important. En 2008, pour son St. Sébastien, elle choisit de représenter un bel homme qu'elle voit roux et déjà mort.

Sur ce corps aux chairs exsangues, Chrobak aligne symboliquement 5 flèches, représentant les Saintes Plaies, celles des deux mains et des deux pieds de Jésus de Nazareth cloué sur la croix, et la plaie au flanc droit faite par le centurion Longin avec son javelot, pour constater sa mort. 
La 6éme flèche blessant la cuisse permet de ne pas voir ici le Christ, mais bien St. Sébastien. À comparer avec la sculpture de Joosen qui, avec ses 6 flèches, n'a cherché aucune symbolique pour mettre en rapport les deux martyrs.

 

Adolescent, l'espagnol Joan Sasgar, né à Pego (Alicante) en 1953, étudiant dans un couvent franciscain, sera marqué toute sa vie, par la pauvreté… l'amour des hommes… l'art… la mystique.

Fuyant L'Espagne et la dictature de Franco, à 19ans il arrive à Paris. S'inscrit à l'école des beaux-arts, et pour la première fois reçoit des cours d'anatomie et de dessin, avec de vrais modèles de chair et d'os, se découvrant un amour du corps masculin que son homosexualité n'avait jusqu'ici aimé que pour la jouissance ressentie.

Joan Sastre y García de son nom de baptême vit et travaille à Altea La Vella (Alacante) avec son mari Salvador, dans une maison de campagne face à la mer. Son St.Sébastien, exécuté en 2008, représente bien l'époque dans laquelle il vit. Libre et sans entrave, relevant son "tank top" pour offrir sa poitrine aux soldats.

Avec sa belle musculature aux chairs bronzé, ce visage rejeté en arrière exprime tout à la fois, la résignation du martyr et la joie d'avoir refusé d'abjurer sa foi.

Paul Rhoads, américain né au Mexique en 1956, arrive en France en 1990. Vivant et travaillant à Sammarçolles, près de Loudun, il réalise des peintures figuratives, revisitant des scènes religieuses comme ce St. Sébastien nu.

Dans cette œuvre, Sébastien, percée de flèches; les plus longues que l'on puissent trouver dans ses représentations; est abandonné, agonisant, cherchant une dernière résistance contre la mort tandis que s'éloigne les soldats.
Rhoads dépeint le beau centurion dans une carnation aux reflets roux. Enchainé à une colonne, nu a l'antique, mais pourvu d’un sexe bien plus développé que ceux du " nu héroïque" grec.

S'il n'y avait eu ses 3 flèches, comment deviner qu'il s'agit de Sébastien ? Et d’ailleurs, est-ce réellement la démarche de Julia Moorhouse de blesser ce jeune adolescent qui ne peut en rien représenter un soldat ?

Si l'on retire les flèches, cette figure de 2012 avec ce qui semble être un calot, bras relevé dans une attitude de relaxation, la tête indifférente tournée sur le côté, n'est qu'une sculpture charmante. Mais les cuisses un peu trop grosses et les bras un peu trop maigres dénoncent une disproportion entre ce qui se trouve au-dessus du bassin et ce qui se trouve en dessous. Il semble que Julia Moorhouse se soit contenté de "déguiser" la sculpture d'un adolescent pour en faire celle de Sébastien.

Attitude à comparer avec la sculpture que fait en 2002 le canadien David Pelletier de Toronto

La figure attaché à un tronc que l'on devine entre les jambes, pose les deux mains dans le dos, la tête légèrement incliné, illustrant le supplice de Sébastien pour lequel les flèches ne sont pas un artifice.

Parallélement a ses études à l'Université d'Exeter, Barnaby Edwards obtient en 1991 un diplôme en Art et en français. Etudiant à la "Guildford School of Acting", il obtient en 1992 un "Postgraduate Award" pour son travail d'acteur. Barnaby Edwards, né en 1969, acteur, écrivain, réalisateur et artiste britannique, est surtout connu comme interprète dans la série télévisée de science-fictions britannique Doctor Who, pour son rôle d'un opérateur Dalek. Jonglant entre toutes les cordes de son "violon artistique" il peint, des animaux, des portraits d'artistes, des paysages et des nus exclusivement de jeunes hommes.

 
Pour ce St. Sébastien, il fait poser Ethan, un de ses jeunes modèles a la plastique souple et fine d'un corps imberbe et sans relief.

Enchainé à une colonne de ruine greco-romaine, de jeunes arbres a la frondaison printanière sur fond de ciel bleu, font un décor plutôt radieux pour une scène d'exécution. 

L'adolescent aux cheveux bouclé semble plus interrogatif à ce qui lui arrive que souffrant des deux seules flèches qui ne font pas saigner les blessures. Pour Edwards, le sujet est davantage l'occasion d'afficher un jeune homme complaisamment nu, que de raconter l'histoire d'un martyre.

Cette démarche, commune à nombreux artiste contemporain qui dailleurs ne sont pas tous Queers, fait référence aux artistes de la Renaissance, prenant prétexte de peindre l'histoire du centurion pour exposer un nu masculin. Avec cette notable différence, qu'hier, c'était une "nudité héroïque" souvent voilée et aujourd'hui une "nudité impertinente" souvent licencieuse, dont ici quelques exemples...

Arléne Love Fiberglass St. Sebastian

Anonyme années 2000/2020

Bel éphèbe de l'américain Scott Siedman né 1941.

Pieds et poingts liés à l'arbre, le corps cambré, portant son regards vers le spectateur avec une fiére érection, clouée d'une seule flèche.

St. Sébastien n’est pas le seul à avoir été sujet de l’art iconoclaste de Siedman.

Le christ aussi; du moins si l'on interpréte le stigmate; en a été à plusieurs reprises le motif dont on ne comprend pas vraiment la démarche artistique.

 
Du jeune artiste Salvadorien né en 1990, Alberto Escobar

San Sebastian, Javier Aramburu.2017

 

 
Pour terminer cette revue superficielle d'œuvres représentant St. Sébastien, tant elles sont nombreuses tout au long des siècles, aussi bien en peinture, sculpture ou plus récemment en photographie et n'en doutons pas probablement aussi numérique, cette gravure symboliquement percée de fléchettes vue comme missiles.

L'anonyme responsable de cette analogie en a représenté 7, comme les 7 vertus théologales et cardinales : foi, espérance, charité, prudence, tempérance, force et justice... N'est-ce pas tout ce que représente le mythe de Saint Sébastien ?

Merci pour votre visite, votre commentaire... ou quelques étoiles ci-dessous, selon votre appréciation...

 

 

S’il y eu quelque rare tentative, comme celle dAnnibale Carracci qui présente un St Sébastien Nu

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Commentaires
D
Le plus étonnant que je connaisse, ancien mais moderne avec le côté androgyne (queer ?) du saint :<br /> <br /> https://de.wikipedia.org/wiki/Datei:Altarpiece_of_St_Sebastian.jpg
Répondre
C
... Et parfaitement représentative de l'époque où les artistes avait tendance à multiplier outrancièrement le nombre de flèche, au point de faire du saint un " hérisson" À remarquer, l'arbalétrier remontant son le cric de son "arbalète a cry"<br /> Merci pour votre contribution. JR.
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