Ange ou Démon ?
En grec ancien, « diable » (diábolos) désigne « celui qui sépare » ou « le calomnieur ». En hébreu, « le Satan » (ha-Satan) désigne « l'adversaire » ou « l'accusateur ». Lucifer est un "śāṭān " l'ange qui se révolte contre Dieu.
Déchu il est précipité en enfer (sur terre par opposition au paradis céleste), avec les "démons", les anges qui suivent Satan dans sa rébellion.
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❀ Le "Paradis perdu " de John Milton, 1608/1674, publié en 1667, décrit la chute de l'homme, la tentation d'Adam et Ève par l'ange déchu Satan et leur expulsion par Dieu du jardin d'Éden.
Fortement inspiré par le texte, William Blake, 1757/1827 et Thomas Lawrence 1769-1830, en ont réalisé plusieurs illustrations.
Dans cette aquarelle, Lucifer en grâce avant sa chute est dépeint resplendissant et céleste. Pour ce délicat portrait, W.Blake exprime la beauté et la perfection de l'ange Lucifer, portant le globe et le sceptre. À ses pieds, dansent de minuscules lunes et étoiles au milieu des anges miniatures, héraut de son approche.
Ici, Sir Thomas Lawrence, utilise la craie pour cette magnifique interprétation dorée et lumineuse de 1797
Satan comme l'ange déchu, représentant la scène dans laquelle Satan exprime à Belzébuth son dépit : "Mieux vaut régner en enfer que de servir au ciel".
Lové dans ses ailes à membrane de chauve-souris, le serpent enroulé à ses pieds symbolise le mal.
Cependant, installée en 1842, le clergé et les paroissiens l'ayant trouvé trop innocente, trop distrayante, « trop sublime »
Surtout trop jeune, ce Lucifer est de nature a pervertir les jeunes filles...Aussi les prélats décident au cours de l'année d'en commander une autre, à son frère ainé, Guillaume 1805/1883.
Livré, en 1848, sa proposition pourtant similaire est encore plus magnifique, d'un Lucifer lové dans les mêmes ailes de chauve-souris.
Puissant de forme, mais torturé dans son expression, avec de petites cornes dans l'ondoyante chevelure.
Mais ce qui est important pour l'église, c'est de le voir représenté vaincu, tête baissée, cheville enchaînée. À la main sa couronne perdue, à ses pieds, une pomme mordue, symbolique de la pomme qui a tenté Ève dans le jardin d'Éden.
Le morceau de hampe cassée surmonté d'une étoile fait référence au passage d'Isaïe « Comment tu es tombé du ciel, Ô étoile du matin, fils de l'aube ! »
Placé a l'arriére de la chaire, cette sculpture apprécié de l'époque, connaitra énormément de succès, devenant emblème du satanisme.
❀ 1843, l'ange Abaddon chassé du paradis, Zavyalov Fyodor Semionovich.
Friedrich Gottlieb Klopstock,1724/1803 poète élégiaque allemand, en 1745, à l'université d'Iéna, réalise à 21ans une première ébauche de Messias, poème épique de la Passion du Christ.
C'est de cette œuvre que s'inspire Zavyalov Fyodor Semionovich 1810/1856. pour décrire Abaddon, l'ange exterminateur de l'abîme de l'Apocalypse de saint Jean.
Abaddon signifie en hébreu « destruction, abîme ou perdition ». Le nom grec correspondant est Apollyon « le destructeur ».
❀ 1580/90, Saint Michel et le dragon, une des 60 peintures en grisaille du Livre d'Heures à l'usage de Rome, dit d'Henri IV.
Ces précieuses Heures, toutes peintes par le Maître des Triomphes de Pétrarque. est le seul manuscrit occidental en latin connu au monde à être entièrement couvert de feuille d'or même sous les enluminures.
Le terme "angélique" prend ici tout son sens avec cette figure androgyne dans la finesse d'un corps délié que même le geste répugne à foudroyer Satan.
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Quelques représentations de Saint-Michel terrassant Satan :
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❀ 1886/90 Étude pour Soul in Bondage, Elihu Vedder 1836/1923,
Premier peintre symboliste américain, Vedder s'oriente en 1880 vers des interprétations inhabituelles des mythes classiques. Dans cette étude de l'Âme en esclavage, les vagues sont ordonnées sous un ciel nocturne éclairé d'une lune in vue. La femme ailée est assise les yeux fermés, au bord des vagues, attachée par des bandes de tissu à un globe. À gauche, une tortue de mer se fraie un chemin sur l'une des petites vagues.
Vedder peint la version définitive de Soul in Bondage en 1891-92, remplaçant les vagues pat un tourbillon de tissu et de nuage. Plus de globe, la figure assise sur des rochers,tient en main un petit serpent, référence au péché original. Le papillon blanc représente l'âme d'un défunt et le passage d'un état a un autre.
❀ 1877, L’ange déchu, Ricardo Bellver 1845/1924 La fontaine de Lucifer,
l'Ange Déchu se trouve dans le parc du Retiro à Madrid, inspirée par le Chant I du Paradis perdu de Milton, tirés des troisième et quatrième strophes : " Pour sa fierté, il tombe, jeté du ciel avec toute sa foule d'anges rebelles, pour ne jamais y revenir. Il agite autour de leurs regards, et blasphématoire les fixe dans le ciel empyréen, reflétant en elles la douleur la plus profonde, la plus grande consternation, l'orgueil la plus funeste et la haine la plus obstinée."
❀ 1826, Satan torturant Job avec des furoncles douloureux, William Blake,1757/1827
Décrit comme l'œuvre la plus profonde et la plus littéraire de tout l'Ancien Testament, le « Livre de Job » de la bible oppose le mal et la souffrance dans un monde où existe un Dieu aimant et tout-puissant.
Job, Dieu et Satan discutent des limites de la foi et de l'endurance humaines. Dieu laisse Satan imposer des épreuves et des tribulations extrêmes, y compris la destruction de sa famille.
Jörg Breu l'Ancien,1475/1537,Satan torturant Job, gravure sur bois
Malgré cela, comme Dieu l'a prédit, la foi de Job restée inébranlable est récompensé par la restauration de sa santé, de sa richesse et de sa famille.
❀ 1882, Le rouleau du destin, Walter Crane, 1845/1915
Ce tableau a été inspiré par les deuils que Walter Crane et sa femme ont subis début 1881, avec la mort en janvier de leur quatrième enfant, un fils, suivie de celle de sa sœur Lucy en mai. Affligés par la mort de deux enfants, ils quittent Londres, pour s'installer au printemps 1882 à Wickhurst.
C'est dans un ancien manoir qu'il peint The Roll of Fate, illustrant deux versets de la traduction d'Edward FitzGerald du Rubáiyát d'Omar Khayyám.
L'ange enamouré, évocation du fils que la mort lui a arraché, essaye de modifier le cours des événements, retenant d'une main le Temps pour l'empêcher de dérouler le rouleau et de l'autre la plume qui doit écrire le destin de l'humanité. Hélas Walter Crane, n'as pas réussi a arréter le Temps.
❀ La Nuit de Noël est une gouache de l’illustrateur Gustave Doré, signée, mais non datée, toutefois la vision urbaine des toits d’une ville moderne rappelle certaines vues de Londres dessinées par Doré pour la publication de 1872.
Cette grande œuvre de 75 cm X 51,5 cm n’a jamais fait l’objet d’une gravure, l’œuvre est donc avant tout celle d’un peintre plutôt que d’un illustrateur.
Doré illustre ici la tradition qui fait de Noël la fête des enfants. Partant d’une vision réaliste d’une ville vue depuis les toits pour en faire une scène féerique d’un ange glissant des jouets dans une cheminée.
Sujet qui fait écho à ses multiples illustrations de contes pour enfants.
❀ 1624/26, saint Matthieu, Valentin de Boulogne, 1591/1632, Château de Versailles.
Dans l'iconographie de St. Matthieu, on lui attribue comme symbole un enfant ailé, qualifié à tort d'ange, parce que son évangile commence par la généalogie de Jésus, ou, plus exactement, celle de Joseph, père nourricier de Jésus.
St. Matthieu fait partie des 4 évangélistes choisi par Louis XIV pour décorer sa chambre à Versailles avec St.Marc, St.Jean, St.Luc.
❀ Au début de ce même siécle, le cardinal Matthieu Contarelli commande à Caravage vers 1602 pour sa chapelle de l'église Saint-Louis-des-Français de Rome, cette première version refusée
Jugée « trop naturelle » triviale, pour la sensualité de l’ange, mais aussi vulgaire pour la posture du saint, et les pieds sales du modèle, minutieusement reproduit. Dans la version acceptée, saint Matthieu est vêtu d'une tunique orange et rouge, dans le style des philosophes antiques.
Il semble occupé à écrire son évangile sous la dictée de "l'enfant ailé" dans le clair-obscur si prisé par Caravage, ils sont fortement illuminés malgré l'absence d'une source de lumière identifiée.
❀ 1951, Gondole funéraire à Venise, Azrael,
The Watchers, William Blake Richmond, 1842/1921
The Watchers présenté à l'Exposition Universelle de Paris de 1878, est restée invendu, mais l'année suivante le capitaine Edmund Verney, ami de la famille, l'achète pour 110 £. The Watchers devait être accroché sous le portrait de l'épouse de Verney, Lady Margaret Hay-Williams décédée, que Richmond avait peint en 1873.
Mais il est probable que The Watchers a surtout été peint en souvenir de Charlotte Foster, la femme de William B. Richmond décédé dans ses bras en 1865.Pour ce tableau dans un environnement italianisant, c'est Gaetano Meo 1849/1925, son modèle italien qui pose pour les 3 figures d'ange.
Entré dans l'intimité de Richmond en 1872, les deux hommes ont ensuite entretenu une amitié étroite qui a duré près d'un demi-siècle.
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1797, The Fallen Angel, Satan et Beelzébub, Sir Thomas Lawrence, 1769/1830
À 16ans, Thomas Lawrence avait déjà une idée précise sur la façon de représenter le " commandant de la peur" qui se retrouve dans cette figure apollinienne à l'équilibre patricien dont l'aspect anthropomorphe correspond aux gouts de l'époque, abandonnant les représentations animales de Satan.
Pas de cornes, pas d'yeux injectés de sang, pas de férocité, dans cette composition idéalisée des figures de l'Apollon du Belvédère et du David de Michel-Ange appliqué à son modèle et ami l'acteur John Philip Kemble,
L'interaction entre Satan et Beelzébub correspond au texte de Milton " Mieux vaut régner en enfer, que servir au ciel"
Lawrence figure un trait de craie blanche dans les yeux de Satan et Belzébuth,
Evocation du ver : " les larmes, comme les anges qui pleurent, éclatent..." Symbolisé par le tonnerre et la foudre se rassemblant autours des yeux et des sourcils.
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