Les Mignons d'Henri III du tableaux de Lucas de Heere en 1570, au duel de 1578.

C'est le Milwaukee Art Museum (Wisconsin) propriétaire du tableau qui l'identifie comme œuvre du peintre flamand Lucas de Heere 1534/1584 et qui le date de 1570. Si l'on sait effectivement que Lucas de Heere a travaillé pour les Valois, Henri duc d'Anjou qui avait 19ans, n'était pas encore roi de France en 1570.

Les 3 jeunes gens du tableau qui ont sensiblement cet âge, s'ils portent coiffure enrubannée, fleuris et boucles à l'oreille, leurs vêtements n'ont pas la richesse de ceux que porteront les mignons lorsqu'Henri sera couronné roi de France en 1575

Ce ne sont donc pas des "mignons" à proprement parler, mais trois de ses amis d’enfance fils de l’entourage immédiat de Catherine de Médicis, sa mère, qui les à placer près de lui.

Henri II et Catherine de Médicis, les parents d’Henri III

Catherine de Médicis et ses enfants Charles IX, 11ans,Marguerite (future reine de Navarre)8ans, Henri d'Anjou,futur Henri III, 10ans et François d'Alençon, 6ans

En France a partir du XVe siècle on appelle Mignon un serviteur de confiance du prince. L'appellation s'étend jusqu'au XVIIe au favori d'un seigneur ou d'un souverain.

Cependant, le musée ne donne aucune information sur ces trois jeunes gens, Qui sont-ils ?

De ses mignons qu'il appèle " Ma troupe "  entourant toute sa vie Henri III, ils sont 5, à avoir à peu près leur âge,

Francois d’Aydie-Ribérac 1550/1578, 20ans, Francois d'Epinay de St. Luc, 1550/1597, 20ans, François d'O 1551/1594, 19ans,

Antoine de Brichanteau de Beauvais-Nangis 1552/1612, 18ans, Philibert d’Aure de Gramont, comte de Guiche 1552/1580, 18ans.

Toutefois, à part Antoine de Brichanteau dont on sait qu'il a était nommé, gentilhomme ordinaire de la chambre du duc d'Anjou le 11 mars 1569, on ne sait, si les autres étaient présent avant 1570.

Henri III 19 septembre 1551 - 2 août 1589. Est successivement titré duc d'Angoulême à sa naissance, duc d'Orléans en 1560, duc d'Anjou en 1566 pour devenir roi de Pologne en 1573. Roi de France en 1574. A la mort de son frère Charles, il épouse Louise de Lorraine-Vaudémont en 1575 et n'auras pas de descendance.

 À la fin du XVIe siècle, durant le règne d'Henri III, le terme prend une connotation péjorative dans le cadre des guerres de Religion. Tour à tour, les polémistes huguenots et ligueurs dénoncent les favoris et les proches du souverain, leur prêtant des mœurs frivoles et « efféminées », voire des pratiques homosexuelles.

Durant le XVe siècle plusieurs personnages désignés comme « mignons » partagent l'intimité des souverains aux tempéraments aussi divers que Charles VII, Louis XI et Charles VIII. 

En 1446, Charles VII avait écarté les vieux nobles qui lui sont hostiles pour s'entourer de jeunes nouveaux conseillers, auxquels il donne des charges. Sans être à proprement parler des « favoris »

Être mignon est un honneur, signe de l’amitié que porte le souverain à une personne qu'il juge de confiance. Distingué des autres en lui octroyant le privilège de s’habiller comme lui, a une époque où la cour est le théâtre des querelles de préséance et où le code vestimentaire obéit à des règles strictes pour désigner le rang social et les privilèges qui l’accompagnent.

Suprême privilège, dormir dans la même chambre et souvent dans le même lit que le souverain. Cet honneur n’a rien à voir avec les amitiés grecque, à une époque qui stigmatise le "crimen nefandum "le crime indicible qu'est la sodomie.

Mais sous l’impulsion d'Henri III, les mœurs de la cour de France évoluent. La chambre royale devient encore plus sacrée, les personnes qui peuvent y pénétrer font l’objet des plus vives jalousies, et les quolibets à l’égard des « mignons de couchette. » se teinte de mépris,

« Petitz mignons molz, efféminez » : ainsi persiflent les aristocrates de la cour au passage des favoris du roi. Ronsard lui-même dénonce en vers ses mœurs dissolues 

« Le Roi, comme l’on dit, accole, baise et lèche / De ses poupins mignons le teint frais nuit et jour. /Eux, pour avoir argent, lui prêtent tour à tour / Leurs fessiers rebondis et endurent la brèche. »

Surtout ce qui choque, la cour et le peuple, c'est la confiance démesurée accordée par le roi à ses protégés. Privilège acquis par ces derniers lorsque le Duc d'Anjou, futur roi, rencontre ses premiers mignons aux sièges des villes huguenotes : Jarnac et Moncontour en 1569, puis La Rochelle en 1573. 

À 18ans, Le jeune homme ressent le besoin de pouvoir compter sur un groupe de fidèles gentilshommes. » Saint-Luc, La Valette, Caylus, François d’O… 

Francois d'O 1551/1594

Francois d'Epinay de St. Luc, 1550/1597

Des petits nobles qui lui jurent fidélité et le suivent jusqu’en Pologne, ce qui impliquait pour eux de tout quitter pour aller chez les “Barbares” et assumer le coût exorbitant de ce déplacement.

À 21 ans, Henri se porte candidat pour le trône vacant du pays. Il y sera élu sous le nom d’Henryk Walezy, roi de Pologne et grand-duc de Lituanie, et a la mort de son frère Charles IX, Henryk devient Henri III, roi de France. 

Francois Couet, Henri III, roi de France

Généreux à l’égard de ceux qui l’ont toujours soutenu, il couvre ses mignons de cadeaux, de charges et d’argent.

En 1581, il marie même un de ses favoris, le duc Anne de Joyeuse, à Marguerite de Lorraine, la demi-sœur de la reine. Et, honneur suprême, le souverain et son mignon décident d’arborer à la cérémonie les mêmes habits « tant couverts de broderies, perles et pierreries qu’il était impossible d'en estimer le prix »

Les fêtes grandioses et luxueuses, les largesses et les cadeaux onéreux, passent mal auprès du peuple, d'autant que cet argent dépensé manque pour lever des troupes et régler les problèmes politiques et religieux du royaume »

A la cour, les distinctions accordées aux mignons font jaser Pour les opposants au roi et l'aristocratie, jaloux de ces honneurs, tout est bon pour critiquer les favoris. Comme ils dorment avec le roi, ces « mignons de couchette » comme Jacques d'albon...

Jacques d’Albon,mignon de couchette du roi Henri II, pére D'Henri III

bien que cette pratique soit constante dans le royaume depuis Charles VIII, les critiques sont autant d'allusion à une homosexualité supposée. Ce qui est trompeur comme nous allons le voir...

A la cour, le roi n'est pas seul à avoir des mignons, Le duc de Guise tout comme François d’Anjou entretiennent leurs propres mignons. Cette marque de confiance fait partie des mœurs, mais, dans un contexte de guerres de Religion, habitude devient exception, on attaque les mignons pour mieux atteindre le roi.

C'est dans ce contexte que le 27 avril 1578, six des mignons du roi se retrouvent dans un duel illégal au marché aux chevaux, sur le champ qui deviendra la Place des Vosges près de Bastille. La rumeur les dit peu doués pour l'art militaires. En réalité, ils sont ardents au combat et bretteurs dans l’âme. 

La veille au soir, Jacques de Lévis, comte de Caylus, 24ans, 

surprend Charles de Balzac d'Entragues 33ans, 

sortant de méchante humeur de la chambre de madame de Sauve son amante qui vient de se refuser a lui.

-Morbleu, c'est vous, Entragues ?

-Je ne suis point d’humeur à subir vos sarcasmes, monsieur, lui répondit-il sèchement.

-Allons, Entraguet, quelle est la cause de cette colère ? Ne me dites pas que la dame vous a refusé ses faveurs ! On dit pourtant qu’elle a la cuisse légère...

-Monsieur, je vous serai gré de retirer ces paroles ou il vous en coûtera !

Avec la sensation d’invincibilité que procure jeunesse pouvoir, Caylus, d’humeur taquine esquisse un sourire narquois.

-Allons, ce n’est point là un secret. Toute la cour est passée par sa couche...

Pour Entraguet, c’était la saillie de trop.

-Pardieu, Caylus, l’injure est facile, vous allez payer cet affront ! La dame ne peut défendre son honneur, moi si !

-Voyons mon ami, il est bien inutile de nous quereller pour si peu. Point n’était mon intention de vous offenser. 

Mais Entraguet refuse d'en rester là et dans un rire méprisant lui répond,

-Ce bon Caylus, toujours là pour cracher vos perfidies, mais quand l’heure est venue d’assumer vos paroles, vous vous dérobez comme un couard. 

-Monsieur, donnez moi le lieu et l’heure.

-Demain, à l’aube, au marché aux chevaux des Tournelles !

Le duel des mignons, toile du peintre polonais Władysław Bakałowicz

Bref et violent le combat entraine les témoins, fait rarissime, à prendre fait et cause pour leur héros tirant l'épée eux aussi.

Ribérac porte à Maugiron , le beau borgne, un coup d’estoc à la poitrine qui le tue sur le coup mais, emporté par son élan, s’empale sur l’épée de son adversaire.

Schomberg porte un violent coup de taille à Livarot,le blessant gravement à la tête;ce dernier réplique aussitôt par une estocade mortelle au cœur de son adversaire. Caylus, ayant oublié sa dague, se trouve gravement handicapé contre Entragues qui disposait, lui, de son épée et de sa dague.

Obligé de parer les coups avec le bras, Caylus touché dix-neuf fois à divers endroits du corps, abandonne le combat alors qu’Entragues ne souffrait que d’une estafilade au bras.

En plus de Maugiron et de Schomberg, morts sur le coup, le duel fait deux autres victimes. Ribérac succombe le lendemain à sa grave blessure et Caylus agonise pendant trente-trois jours à l’hôtel de Boisy.

Livarot finit par se remettre après avoir été hospitalisé six semaines, mais reste estropié.

Averti, le souverain propose 100 000 écus au chirurgien qui sauverait Caylus, son mignon favori. Faisant recouvrir les rues alentour de paille afin d’amortir le bruit des sabots il se rend quotidiennement au chevet du blessé.

Le 29 mai, a la mort de Caylus, le roi récupère sur son cadavre une touffe de cheveux et ses boucles d’oreille. Cette tristesse affichée enfle un peu plus les rumeurs d’homosexualité d'Henri III. Pourtant, connu pour aimer les femmes, et particulièrement son épouse Louise de Lorraine, avec laquelle il n’aura pas d’enfant.

Le 1er août 1589 au château de Saint-Cloud. Henri III est poignardé par Jacques Clément, moine dominicain ligueur, qui estimait que le roi était l'ennemi déclaré du catholicisme. Se disant porteur de nouvelles en provenance du Louvre, devant son insistance à vouloir parler en privé avec le souverain.

Henri III s'entretient avec lui dans l'embrasure d'une fenêtre. Jacques Clément en profite pour frapper le roi au bas ventre avec un couteau dissimulé sous son habit. Henri III s'exclame : « Ah, mon Dieu ! », puis arrache le couteau de son intestin perforé et frappe son assaillant au visage en s'écriant : « Méchant, tu m'as tué ! ».

Les intestins perforés, la péritonite progresse et ses souffrances augmentent. Après une douloureuse agonie, le roi meurt le 2 août 1589 vers 3 heures du matin. Quelques heures avant, le roi mourant reconnaît formellement son beau-frère et cousin germain, le roi Henri III de Navarre comme son successeur légitime. Celui-ci lui succède comme roi de France sous le nom d'Henri IV.

sa veuve revêt les habits immaculés du deuil. « Dame Blanche » en son château, elle fait peindre les murs de sa chambre en noir, la décore d’objets funéraires et de croix.

Les fêtes dantesques, le froufrou des robes, les gentilshommes poudrés et clinquants ne sont plus qu’un lointain souvenir...

Pour Henri IV commence la longue reconquête du Royaume, car les trois quarts des Français ne reconnaissent pas pour roi un noble protestant et les catholiques de la Ligue refusent de reconnaître la légitimité de cette succession.