David et Goliath, le mythe vu par les peintres. 1ère Partie
En 1555, Daniele da Volterra 1509/1566, présente David tuant Goliath, une huile sur ardoise de 1,77mx1,33m,peint recto verso,
d'après un dessin de Michel Ange, son maitre, qui l'avait réalisé pour la chapelle sixtine en 1509.
Œuvre exceptionnelle, il n’existe pas d’autre exemple de peinture sur une aussi grande ardoise, représentant la même scène vue de dos et de face.
Les volumes, traités avec des tons chauds, contraste avec l’arrière-plan sombre qui les faisant ressortir de manière plus forte donne l'illusion d'une troisième dimension. Peignant le revers avec un geste légèrement décalé par rapport à l'endroit, et modifiant le dessin d'une face par rapport à l'autre, Volterra crée 2 images qui pourraient s'animer si l'on faisait tourner l'ardoise sur elle-même.
Œuvre de commande du prélat Giovanni Della Casa, la réalisation s’inscrit dans un débat artistique, qui opposait les mérites respectifs de la peinture et de la sculpture (débat que Michel-Ange jugeait vain)
Pour obtenir un effet de volume et de mouvement en tournant autour de l'œuvre, Da Volterra modifie certains détails. Toutefois, la position des sujets par rapport au fond, une tente dont l'ouverture est à gauche sur les deux faces. Au recto, c'est le pied de Goliath qui est devant, et verso, ce sont les têtes de David et Goliath.
Ce n'est donc pas une scène vue de face et de dos. Les protagonistes ont pivoté de 90° environ sur la gauche pour donner l’illusion d’être de dos puis de face, suggérant un décalage temporel entre les deux faces permettant de représenter la même scène, mais pas réellement au même moment. Ce qui nécessite de faire évoluer la position de certains détails :
> recto, l'exomide bleu de David est agrafé sur l’épaule gauche, l'himation jaune vole largement derrière lui.
Verso, l'exomide est tombé à la taille et l'himation retenu par une ceinture flotte dans une volute.
> recto, David empoigne les cheveux de Goliath, mais au verso sa main est posé dessus.
> recto, David pose son genou sur Goliath, verso, il enjambe son corps.
> recto, la main de Goliath retient le poignet de David, au verso, c'est le biceps.
> recto, la main droite de Goliath serre le poing, au verso, elle est presque à plat.
Deux autres détails interpellent : > recto, la lame du cimeterre est sombre, la garde est dans un axe vertical.
verso, la lame brillante reçoit la lumière, mais la garde est dans un axe horizontal.
Par ailleurs, le fourreau sous le corps de Goliath qui dépasse au recto, n'est pas visible au verso. Pourtant, la position du torse ne permet pas de couvrir l'entrée du fourreau, sauf s'il a glissé sous le corps. Enfin, la position du genou gauche de Goliath suggère bien le déplacement du bassin entre le recto et le verso qui se tourne de la gauche vers la droite, de même que l'appui du pied gauche se déplace.
Avec tous ces artifices, Da Volterra crée une image animée 275ans avant que l'on découvre dans les années 1830 les principes de la persistance rétinienne avec les jouets optique.
À le fin du XVIIIéme siècle, un jeune peintre de 23ans, Johan Zoffany, 1733/1810 réalise en 1756 un "Autoportrait en David avec la tête de Goliath"
C'est vers la fin de son premier séjour à Rome qu'il décide de se présenter comme le héros biblique en jeune et beau David portant une toque mutine en peau d'agneau, sur une tête haute et rigide, révélant l'extrême assurance du jeune homme.
Son dos s'appuie sur une lourde cape en peau de mouton drapée derrière lui. Dans sa main gauche, il tient la pierre qui a frappé Goliath au front,
dans sa main droite la fronde, Le menton qui s'appuie dessus indique une attitude réfléchie.
Avec des teintes douces, l'ivoire de sa carnation et une économie de couleur, J.Zoffany gomme la violence et le sang du mythe dans une interprétation sensuelle de ses formes, musclée, mais lisse et efféminée.
Les lignes sinueuses de la pose, s’opposant à la rectitude du bâton, symbole phallique. Le contact de sa peau à celle du mouton, symbole de sensualité. Les lèvres légèrement entrouvertes, symbole de désir,
Avec l'intensité troublante du regard, tout exprime l'homoérotisme d'une mise en scène étudiée et voulue dans ses moindres détails. Même l'œil torve d'un Goliath aux chairs exsangues semble regretter le défi lancé au bel adolescent.
Certains analystes de Johan Zoffany signalent sa propension aux observations ironiques, aux allusions risquées et doubles sens, de sorte que nombre de ses peintures cachent autant qu'elles révèlent.
Comme beaucoup d'artiste, des relations sexuelles masculines n'entravent pas le mariage à 27ans de Zoffany puis son remariage avec la jeune Mary Thomas vers 1805. Ils auront 5 enfants dont un garçon décédé en bas-âge.
200ans séparent ces deux œuvres d'un même sujet dans une approche différentes. Entre Da Volterra en 1555 et Johan Zoffany, la Renaissance, notamment italienne, fait du mythe de David et Goliath un passage obligé pour les peintres.
À suivre 2éme partie, une rétrospective chronologique des représentations de David et Goliath, du Florentin Donatello au français Jules-Elie Delaunay...