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l'Art c'est Nous
27 mars 2023

La Vierge et l’Enfant du diptyque de Melun.

La pièce maitresse de l’extraordinaire collection de Florentius van Ertborn, est sans conteste la Vierge et l’Enfant entourée d’anges, partie droite du diptyque de Melun. Cette œuvre de Jean Fouquet dont on perd la trace en 1773, réapparait entre les mains de Van Ertborn, environ 60ans plus tard, sans que l’on sache précisément à quelle date.

Tableau votif peint vers 1452-1458, le diptyque est commandé par Étienne Chevalier, trésorier du roi de France Charles VII, a l'occasion du décès de son épouse, Catherine Budé, Dame de Grigny et du Plessis-le-Comte, 1429/1452.

1:Diptyque_de_Melun_reconstituéDiptyque de Melun dans sa configuration originale d'espacement de l’encadrement.

Le panneau de gauche figure Etienne Chevalier présenté par saint Etienne à la Vierge et l'enfant du panneau de droite

Bien qu’il vit à Paris, Étienne Chevalier, né à Melun, 1410/1474, est resté très attaché à cette ville. Etant seigneur d'Eprune en Brie, mouvant de Melun, il fait de nombreux dons à la collégiale, parmi lesquels une vierge en argent doré, divers joyaux, des chapes de soie et des orgues. De plus, il y fonde une messe journalière.

Le diptyque est placé au-dessus de la pierre tombale, dans le chœur de la collégiale Notre-Dame, derrière le maître-autel de l'église.

3:Veuë de nostre Dame de Melun, sur la riviere de SeyneCollégiale Notre-Dame.

De ce monument disparu ne reste qu'un relevé effectué pour la collection François-Roger Gaigniéres représentant Etienne Chevalier, son épouse Catherine Budé et ses enfants. Jacques 1er, 1447/1498, Jeanne 1449/1486, Marie 1451/1521, et une 3éme fille décédée avant son baptême. Il est possible que cette naissance soit la conséquence de la mort de Catherine Budé.

2: Dalle funéraire d'Étienne Chevalier, de son épouse Catherine Budé (1429 - † 1452) et de quatre enfants (copie à la main)Dalle funéraire d'Étienne Chevalier, de son épouse Catherine Budé (1429†1452) et des quatres enfants.

❀ En l'an 1017 a la mort de Renaud de Vendôme, comte de Melun, le comté revenant dans le domaine royal, Robert le Pieux 972/1031, prend en charge la construction de l'église Notre-Dame et dote l'édifice d'un collège de douze chanoines.

4: Collégiale Notre-Dame dans son environnement vers 1960Collégiale Notre-Dame dans son environnement vers 1960

Après le décès en 1161 de l’archidiacre et abbé Étienne, gouvernant le chapitre, la collégiale revient au roi Louis VII, qui finance la reconstruction du chœur, du chevet et du voûtement d'ogives de la nef. La consécration du nouveau chœur par Michel de Corbeil, archevêque de Sens, a lieu en 1198, sans doute en présence de Philippe-Auguste 1165/1223, qui signe des actes de Melun cette année-là.

En septembre 1474, Étienne Chevallier est inhumé derrière le maître-autel de l'église au côté de son épouse Catherine Budé

Cependant, 100ans plus tard, le 29 mars 1773, les chanoines décident de supprimer les huit chapelles des doubles bas-côtés de l'église, remontant au XIIIè siècle, pour « la rendre plus saine, plus claire, plus solide » et pour financer ces travaux, la vente du diptyque.

5:Coupe sur les chapellesCoupe sur les chapelles des doubles bas-cotés

❀ A cette époque, un cadre précieux entourait les panneaux. Monté sur charnières, celui de gauche se rabattait sur la vierge à l’enfant. Décrit en détail en 1661 par Denis Godefroy 1615/1681, historien, archiviste et conseiller du roi de France, l’encadrement gainé de velours bleu, portait des médaillons dorés avec des scènes bibliques et les initiales du prénom du donateur, répétées plusieurs fois, et de lacs d’amours brodés et rehaussés de perles.

6: Présentation du diptyque à la GemaeldegaleriePrésentation du diptyque à la Gemaeldegalerie.

Le sort du cadre n'est pas connu, mais la dispersion des médaillons avait commencé dès le début du xviie siècle, comme l'indique Godefroy. En 1768, 5ans avant la vente des chanoines, ils avaient totalement disparu selon un érudit local Martin Gauthier.

Un médaillon représentant un épisode de la vie de saint Étienne, une huile sur cuivre, est acquis En 1891 par les musées de Berlin lors de la vente du marchand d'art Isaac Falcke à Londres.

7: Jean Fouquet, médaillon de Berlin

Alors conservé au musée des arts décoratifs du château de Köpenick, il a disparu au cours d'un incendie en 1945.

Le seul connu en France est l'autoportrait de Fouquet donné par le vicomte Hippolyte de Janzé, collectionneur d'arts décoratifs, au musée du Louvre en 1860. 

8:Jean Fouquet, Self-Portrait, Enamel, cMédaillon autoportrait de Jean Fouquet,d’un diamètre de 8cm en émail bleu sombre et camaïeu d’or sur cuivre.

❀ Jean Fouquet, Tours 1420/ 1478/81 est considéré comme l'un des plus grands peintres de la première Renaissance et le rénovateur de la peinture française du xve siècle.

Formé dans l'entourage du Maître de Jouvenel dont l'activité attestée à Angers est influencé par les primitifs flamand, ce qui explique l'intégration de leurs innovations naturaliste dans le style développé par Fouquet, mêlant les fortes tonalités chromatiques du gothique aux techniques de la perspective et des volumes développés par le Quattrocento. 

Les deux chefs-d'œuvre que sont le Diptyque de Melun et les miniatures du livre d’Heures d'Étienne Chevalier, commandés à la même époque ont monopolisés la quasi-totalité de son temps.

9: Extrait du Livre d’Heures d’Etienne ChevalierExtrait du Livre d’Heures d’Etienne Chevalier.

Fouquet établi entre le livre et les tableaux une relation qui permet à Etienne chevalier d'être avec son livre d'heure dans la collégiale de Melun alors qu'il est à Paris en son hôtel particulier de la rue de la verrerie. Bien que les miniatures ne soit pas copie des tableaux, elles sont de même en vis-à-vis. 

Dans le livre d’heure, Etienne Chevalier et Saint Etienne; tenant en main la pierre de son martyr sont agenouillés devant la Vierge couronnée allaitant l’Enfant. 

9:1

Les Séraphins, en rouge, qui brûlent d’amour pour Dieu, et les Chérubins en bleu, symbolisant la miséricorde de Dieu se répartissent dans un riche décor évoquant l’architecture gothique et renaissance.

9:2Ici on remarquera le contraste du manteau bleu avec l'extrême pâleur de la vierge et de l'enfant.

Dans les tableaux, Etienne Chevalier et Saint Etienne sont debout. Si Chevalier avait été agenouillé, sa tête n’aurait pas dépassé l’épaule du saint. On peut remarquer aussi qu'il porte le même manteau rouge.

10:Étienne Chevalier présenté par saint Étienne, volet gauche 93x85cm Berlin

 

❀ Saint Étienne, un juif érudit de l’époque de Jésus-Christ, converti au christianisme, est condamné a la lapidation par le Sanhédrin, tribunal suprême du peuple juif, pour ses prises de position jugées non conformes au judaïsme.

10:1 Saint Étienne, volet gauche 93x85cm Berlin copie

Considéré par les chrétiens comme le premier martyr. Fouquet évoque le supplice par le silex posé sur le livre d'heure d'Etienne Chevalier et le filet de sang qui coule de son crâne à l’arrière de la tête.

10:Étienne Chevalier présenté par saint Étienne, volet gauche 93x85cm Berlin copie

 

De son voyage en Italie entre 1543 et 1547, Fouquet revient avec quantité de dessin et croquis dont on retrouve l’influence italienne dans le décor d’arrière-plan. Pilastres décorés d’acanthe intercalés de plaque de marbre et pavement du sol donnant des lignes de fuite créent l'effet de profondeur découvert dans les traités de perspective des grands architectes italiens de l’époque.

À cette construction classique correspondant bien à l'époque, pour le volet de droite en vis-à-vis, Fouquet change complétement de style avec son époustouflante interprétation de la Vierge.

11: La Vierge et l'Enfant entourés d'anges, volet droit 91x83cm Anvers

Probablement inspiré de La Vierge et l'Enfant en majesté entourés de six anges de Cenni di Pepo dit Cimabue 1240/1302, un peintre de la pré-Renaissance italienne.

10:2 Vierge a l'enfant, Cimabue 1280Vierge a l'enfant, Cimabue 1280

❀ Cette tempera sur bois, une de ses Maestà réalisées vers 1280 représente la Vierge en majesté vêtue de bleu, symbole de la royauté, soutenant l'Enfant Jésus sur ses genoux. Assise sur un grand trône architectural, entourée de sa cour céleste d’anges, dont les visages aux longs cheveux bouclés sont similaires. La couleur de leurs ailes alterne entre le rouge et le bleu, dans une pseudo-perspective frontale.

10:2 Détail

Jean Fouquet ne se contente pas de reproduire l'ordonnancement du tableau de Cimabue, l'architecture du siège, la position des anges comme celle de la vierge et de jésus, il reprend aussi la structure de l'encadrement qui comporte vingt-six médaillons peints : le Christ et quatre anges, quatre évangélistes, les douze apôtres et cinq saints parmi lesquels saint François d’Assise et saint Jean l’Évangéliste.

 

Pris séparément, rien ne permet d'associer les deux tableaux du diptyque de Fouquet, hormis le tout petit détail des plaques de marbre de la chaise dont on retrouve le dessin dans le décor mural derrière Etienne Chevalier. 

11:1

 

11: La Vierge et l'Enfant entourés d'anges, volet droit 91x83cm Anvers

Ici, Fouquet réussit à donner un caractère de perfection exceptionnelle, à l’élément céleste du diptyque, par opposition à l'élément terrestre représenté à gauche.

10:Étienne Chevalier présenté par saint Étienne, volet gauche 93x85cm Berlin

La Vierge en maestra apparaît sur un trône majestueux décoré d'incrustation de marbre, de perles et de boule de verre noire. Richesse en contre-point de la sobriété du livre d'heure. Mais fidèle aux leçons flamandes, Fouquet n’oublie pas d’en reproduire le reflet d’une fenêtre.

11:2Détail du reflet dans la boule du fauteuil du panneau de droite du diptyque de Melun

Dans un manteau immaculé de soie blanche doublé d'hermine, prérogative royale, elle porte une robe de soie bleue à corset lacé. Ceinturée du même tissu, s'y accroche une chaine châtelaine à maillon très ouvragé. Rare attribut de la maitresse du château céleste à laquelle sont attachées les clefs.

11:3

Elle porte une couronne emperlée, symbole de la beauté parfaite et pure, de l'amour en plénitude, de laquelle ne s'échappe qu'une mince tresse de cheveux.

d

Posé sur un front à la frange rasée, marque du renoncement aux plaisirs charnels, l'image prend un caractère hiératique que renforce l'inexpression du visage, paupières baissées, marque de l'innocence et de l'humilité.

Contraste saisissant entre l'opulence qui s'échappe du corset dénoué, fontaine de vie, et cette froideur marmoréenne qui met à distance le spectateur tout autant que chérubins et séraphins.

11: La Vierge et l'Enfant entourés d'anges, volet droit 91x83cm Anvers

Nus, les uns rouges des pieds à la tête, ailes comprises, encadrent le trône parce qu'ils sont les premiers de la hiérarchie céleste, avec les autres tout pareil, mais bleu, relégué au second plan.

11: La Vierge et l'Enfant entourés d'anges, volet droit 91x83cm Anvers

Fouquet fait le choix d'une vierge en majesté alors que l'époque représente plutôt la Vierge de l'humilité, c'est-à-dire une posture plus humaine, assise sur le sol, sans trône, souvent sur un parterre de plantes ou de tissus, quelques fois pieds nus.

img_3894Domenico di Bartolo, Madonna dell’Umiltà e Angeli, 1433.

 

 Mais, ici la Vierge semble être debout devant son trône et non assise. De même Jésus, bien que représenté assis, ne semble pas l'être sur ses genoux. Ce qui parait incohérent est en réalité un effet de perspective particulièrement élaboré que l'on perçoit lorsque le tableau est placé à la bonne hauteur.

Lors d'un examen au scanner du J.Paul Getty Museum L.A, début 2009, placé sur un chevalet motorisé, les chercheurs ont établi qu'a une hauteur de 1,83m la perspective devenait correcte. Hauteur correspondant à sa position de retable dans la Collégiale de Melun.

11:5

Fouquet présente un jésus qui n'est pas un nouveau-né, mais un « petit Jésus » (de sa naissance à ses deux ans environ, l'âge de son supposé sevrage), et pas encore « petit garçon » (de deux à sept ans) Nu, il repose dans les plis du manteau et non sur son lange comme on le fait généralement.

11:6Le Titien, vierge a l'enfantLe Titien

Ce voile, considéré comme une prémonition de son suaire, pourrait être au contraire, par son absence, promesse de vie comme le sein est fontaine de vie, ici dédaigné par Jésus, mais embouchée goulument dans le livre d’heure.

11:7Vierge_à_l'enfant_-_Heures_d'Etienne_Chevalier_-_Musée_Condé

À noter la différence entre le bleu profond du manteau de la vierge rehaussé d'or dans la miniature et ce gris-bleu, soyeux, mais sourd, de la robe du tableau qui ne manque pas d'interpeller. Couleur de l'espérance, de la sagesse et de la connaissance. 

❀ Une hypothèse jamais envisagé, serait que Fouquet ne représente pas un allaitement, mais un garçon, premier né qui se détournant du sein, désigne du doigt celui qui se trouve sur le panneau en vis-à-vis, Etienne Chevalier. Il y faudrait voir alors en Jésus, son fils, Jacques né en 1447. Mais ceci n’est qu’une hypothése…

 

❀ Dès le début du XVIIem commence à se propager l’idée que le visage de cette madone serait celui d’Agnès Sorel, devenue en 1443 la favorite du roi Charles VII. Bien qu’il n’existe aucune preuve que Fouquet ai fait poser Agnès Sorel, plusieurs indices plaident pour qu'il s'en soit inspiré.

Le roi rencontre Agnès en mars ou septembre 1443, elle a 21ans, lui 40ans. Fortement impressionné par sa très grande beauté, pour la rapprocher de lui, il l'affecte au service de la maison angevine en 1444.

12: Agnés Sorel Agnés Sorel " album Médicis " donné par Robert Guillot.

Obtenant le statut de favorite officielle, couverte de bijoux, parfums et fastueux atours, Agnès s'impose à la cour par ses façons et ses extravagances. S'affichant épaules découvertes, sa beauté ne craint pas d'exhiber dans de profond décolletés sa chair au teint d'albâtre très prisé à l'époque que lui donne fards et onguents. Aux lèvres purpurines et joues discrètement rosées elle ajoute sourcils et cheveux épilés sur le haut du front, siège de ce qui est pour l'époque le comble de l'érotisme féminin. Toutes choses que Fouquet a su si bien restituer chez sa madone.

12:Agnés Sorel, tombeau de Loche éxécutévers 1452Agnés Sorel, tombeau de Loche exécuté́ vers 1452

❀ En 1444, la trêve de Tours, met une pause dans la guerre de cent ans (1337/1453) Charles VII réorganise son armée et commande à Fouquet son portrait, probablement réalisé vers 1445.

12:Charles VII, roi de France, 1444Charles VII, roi de France, 1444.

À l'occasion d'une restauration effectuée dans les années 2000 par le Musée Royal des Beaux-Arts d'Anvers, on découvre par radiographie que Fouquet a peint une version antérieure de la madone du diptyque de Melun, surpeinte du portrait de Charles VII.

12:1Version de la madone surpeinte du portrait de Charles VIIRadiographie de la madone surpeinte du portrait de Charles VII.

Seule la vierge et jésus sont présents, sans décor, mais dans la même posture. Galop d'essai pour la commande d'Etienne Chevalier ? Toutefois, le panneau plus petit 85x70 cm ne permettait pas de développer l'œuvre que l'on connait aujourd'hui. Il est donc plausible qu'Agnès Sorel, ais posée pour ce premier jet recouvert par le portrait de son amant le roi Charles VII.

À propos d'Agnés Sorel, on peut lire ici ou là qu'elle est "Dame de Beauté". Ce qualificatif ne désigne pas sa beauté attestée par ses contemporains, mais la châtelaine du château de Beauté, la demeure royale proche de Vincennes, aujourd'hui le quartier de Beauté à Nogent sur Marne cadeau du roi Charles VII.

Une étiquette est présente au dos du panneau d'Anvers sur laquelle il est noté : « La Ste Vierge sous les traits d’Agnès Sorel, maîtresse de Charles VII roi de France, morte en 1450. Ce tableau, qui étoit dans le chœur de Notre Dame de Mehun, est un vœu de Mre Etienne Chevalier, un des exécuteurs testamentaires d’Agnès Sorel. 1775. Gautier avocat ».

Ce Gauthier avocat qui fait mention d'Agnès Sorel en 1775 met une borne à l'existence des deux tableaux du diptyque de Melun vendu en 1773 par les chanoines de Notre-Dame de Melun.

❀ Le panneau d'Étienne Chevalier présenté par Saint Etienne est acquis par l'écrivain Clemens Brentano entre 1808 et 1818, à Munich selon Auguste Vallet de Viriville, chez un marchand d'art à Bâle selon l'historien d'art Claude Schaeffers.

12:2 Clemens_Brentano2Clemens_Brentano.

Reclus au monastère de Dülmen, où il vécut pendant quelques années dans un isolement strict, il cède le tableau à son frère, Georges Brentano-Laroche qui le conserve dans la demeure familiale de Francfort-sur-le-Main, sur la Taunusplatz, ainsi que quarante miniatures extraites du Livre d'heures d'Étienne Chevalier dont il est propriétaire.

12:3 Georg_Brentano 1830Georges Brentano 1830.

En 1851, a la mort de Georges, sa fille Karoline Sophie Claudine Brentano, hérite des collections de son père. Des 3 enfants qu'elle a avec son mari Georg Firnhaber von Eberstein-Jordis, c'est son dernier-né, Ludwig Brentano 1811/1896 qui cède en 1891 la collection de miniature au duc d'Aumale, mais pas le tableau. Celui-ci est acquis par les musées de Berlin en 1896 à la succession de Ludwig, vendu par sa fille Marie Brentano 1841/1919.

Si l'on peut retracer les antécédents du panneau d'Etienne Chevalier, par contre, il n'en est pas de même pour la Madone de Fouquet. Vendu en mars 1773, le tableau ne réapparait dans la collection van Ertborn qu’entre 1830 et 1840, mais aucun document ne permet de connaitre les circonstances et la date de cette acquisition.

19: Florentius van Ertborn vers 1830Florentius van Ertborn, 1830

Toutefois, il est probable que l'œuvre n'a jamais quitté la France et peut-être même la région de Melun qui ne manquait pas d'amateur suffisamment riche pour la négocier aux chanoines. Et comme en France, van Ertborn disposait d’un réseau très efficace pour avoir des informations de première main, nul doute qu’il a su en profiter.

Par ailleurs, la révolution de 1789 et les troubles qui s'ensuivirent ont certainement contraint les propriétaires à dissimuler ces tableaux, ce qui explique en partie qu'ils ne refont surface que vers 1820 pour l'un et en tout cas avant 1840, décès de van Ertborn pour l'autre.

Après que le leg Van Ertborn soit entré au musée royal des Beaux-Arts d’Anvers en 1841, presque rien n’a été écrit sur la madone de Fouquet. Ce n'est qu'au XXe siècle qu'elle sera saluée comme un chef-d'œuvre.

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Chef-d'œuvre du a l’extravagance de l’interprétation et de son originalité, dans laquelle Fouquet s'emploie à donner à l’ensemble un spectacle enchanteur et irréel. La Vierge d'une beauté idéalisée capte l'œil par ce sein, fruit vivant, mais Fouquet ne représente pas un allaitement. L'enfant qui ne bénit pas s'en détourne et désigne du doigt celui qui se trouve sur le panneau en vis-à-vis, Etienne Chevalier qui n'est pas en oraison devant un livre de prière.

Et si cette vierge nous laisse aussi perplexe, ce n'est pas seulement pour son extraordinaire modernité. C'est sans doute parce que tout dans cette œuvre outrepasse les codes iconographiques. De la vierge, qui en devient si humaine que Fouquet nous fait oublier son caractère virginal. De Jésus sans aucun des symboles habituels de sa représentation et des anges, caricatures rouge et bleu des incubes, des satyres ou des diablotins.

Alors cette vierge ne serait-elle pas sa femme Catherine Budé morte à 23ans à qui ce tableau est dédié ? Et cet enfant ne pourrait-il pas être son premier-né, Jacques, né en 1447 ? Ce n'est qu'hypothèse, mais quand on connait l'importance de la descendance à cette époque, il n'est pas impossible qu'à travers ce diptyque, Etienne Chevalier se soit placé sous la double protection de son saint éponyme et de la vierge. 

Merci pour votre visite et vos avis a ce sujet..

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  • Depuis qu'il a imprimé le négatif de sa main, l'homme ne cessera d'être le sujet de représentation de lui-même, sous toutes les formes possibles que lui suggère son imagination. Acteur et spectateur, créateur et acquéreur de son image...
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